Marché contingent et absence d’opportunité d’arbitrage dans le champ politique sénégalaise
Par le Professeur Abou Kane, FASEG/UCAD
Le Sénégal compte plus de 300 partis politiques pour une superficie de 196 712 Km2 et 7 millions d’inscrits sur les listes électorales (sur une population de 17 millions). Parmi les inscrits, environ 4 millions votent. Cela fait du Sénégal l’un des pays à la plus forte densité de partis politiques au Km2 et par votant.
En finance, on parle d’absence d’opportunité d’arbitrage (AOA) lorsqu’il n’y a pas de stratégie financière qui garantit de gagner tout le temps : parfois on gagne, parfois on perd.
L’arbitrage est l’opération par laquelle on gagne en se débarrassant des actifs qui perdent de la valeur (en les vendant) et en achetant ceux qui prennent de la valeur. On profite ainsi de l’écart temporaire de prix entre des actifs.
Les transhumants font de l’arbitrage en quittant les partis qu’ils pensent être en position de faiblesse pour rejoindre ceux qu’ils croient être en position de force.
Un marché contingent est un marché où se vendent des produits dont la valeur est soumise à des aléas ; souvent des facteurs qu’on ne maîtrise pas. Le marché politique est, par nature, contingent dans la mesure où on a beau élaborer des programmes et stratégies mais les concurrents peuvent toujours les déjouer par d’autres actions (qu’on soit au pouvoir ou dans l’opposition). C’est pourquoi les militants d’aujourd’hui peuvent devenir des adversaires de demain et inversement.
Il y a absence d’opportunité d’arbitrage car aucun parti politique ne peut dérouler une stratégie qui lui assure la victoire à toutes les élections: la coalition au pouvoir a gagné certaines élections, l’opposition en a gagné d’autres. Si chacun a les mêmes informations que l’autre, les anticipations sont les mêmes et les stratégies sont identiques.
Le seul point de rencontre qui profite à tous est d’investir dans la paix qui est le seul actif qui mérite d’être acheté sur le marché car étant une « valeur refuge », c’est-à-dire qui ne perd jamais sa valeur car étant à l’abri des retournements de marché.
Malheureusement on ne profite par du nombre élevé de partis politiques car beaucoup d’entre eux sont de simples satellites qui se réfugient derrière de grandes coalitions. Ce qui fait que dans la pratique c’est comme si on avait seulement 2 ou 3 partis dans le pays. On se retrouve avec une pluralité effective moindre que la pluralité théorique.
Le parti au pouvoir doit poser des actes de décrispation pour éviter d’aller vers un dialogue avec lui-même (des partis qui lui sont favorables), tout en se retournant de temps en temps pour voir si les autres ne sont pas en train de lui porter un coup par derrière.
Ndiambourinfo
