Plaidoirie pour une organisation du secteur informel

Plaidoirie pour une organisation du secteur informel

Les ouvriers de la mécanique et de la menuiserie appellent à une formalisation de leur domaine d’activité.


Ils sont des générations de jeunes à bénéficier de formation pratique en mécanique et en menuiserie à Louga. Bien qu’informelle, leur qualification reconnue au sein de leur administration (peu organisée) leur suffit pour monter un atelier ouvrier.

La chaine continue : reconnue comme mécanicien/ menuisier «certifié » dans leur univers, chacun essaie et réussit, en général, à monter son propre atelier et reçoit une main d’œuvre à former, à son tour, dans la pratique du métier. Seulement, aussi « qualifié » et « certifié » dans leur univers, il demeure toujours un ouvrier, sans salaire ni protection sociale, encore moins d’assurance.


Amath Lo a 58 ans. Il a fait 38 ans dans la pratique de la mécanique. Son atelier est installé sur la route, non loin de la demeure de Thierno Mountaga Tall de la famille de Cheikh Omar Alfoutiyou Tall.
Il a sous sa responsabilité un dizaine de jeunes ouvriers à former. « J’ai déjà à mon actif une vingtaine que moi-même j’ai formés et qui sont devenus maintenant des chefs d’ateliers », renseigne-t-il. « Chacun à son tour, a une main d’œuvre à former », poursuit Amath Lo.


Entrepreneur mis accompli, le chef d’entreprise dispose dejà de son NINEA, son registre de commerce. « Nous sommes légalement constitués, bien qu’on ne nous considère pas comme de véritables entrepreneurs », se désole-t-il. « Sans doute parce qu’on nous voit pas porter des vestes », rajoute-t-il, sous un ton à la fois taquin et amère.


Une véritable ambiance de travail, autour de lui, on voit la main d’œuvre occupée à des taches pratiques. Les uns penchés sur les portes en fer à souder les rebords avec le montage des serrures, les autres entrain de réparer des voitures et scooters. Un peu tout à côté, un élément qui pompe d l’air sur un pneu. Bref, une main d’œuvre assez riche et diversifiée, visiblement rompue à la tâche.
Plus loin sur le même avenu mais de l’autre côté, on aperçoit un atelier de menuiserie. Ici, « le chef », Abdoulaye Déme est tout réticent au début et se retient de nous parler. A force de le rassurer, il accepte enfin de s’ouvrir à nous : « à la place de questions, du soutien nous avons besoin », répliqua-t-il à notre requête, sous un ton presque taquin.


Ici, le chef ouvrier dit avoir des commandes à livrer avent la fin du mois. La main d’œuvre est occupée à finaliser le travail. En tenus d’ouvrier, on les voit, en sueur, entrain de peindre en vernis environ une douzaine de portes et fenêtres penchées sur le grand mur de l’atelier, face au Soleil.


A la question « combien d’heures travaillent les jeunes apprentis ouvriers ? », « ca dépend de la quantité de travail que nous avons sur commande et le temps qui nous est imparti pour la livraison», répond le mentor.


Abdoulaye Déme a sous sa responsabilité 17 jeunes ouvriers formés et actifs. « Les quatre autres se chargent de la recherche de bois de qualité partout dans le Sénégal », souligne-t-il.
En raison des lois en vigueur qui interdisent la coupe des arbres dans les forêts, « le bois de qualité est devenu un luxe » : « on est obligé d’aller à sa recherche partout dans le Sénégal » sans même avoir « la garantie de pouvoir en trouver ».


L’entrepreneur se désole de « la fâcheuse habitude des vendeurs dudit produits qui abuse de sa rareté pour toujours augmenter les prix ». A l’en croire, « il est plus facile pour les chinois d’avoir notre bois qu’ils importent ». « Ils le retravaillent pour revenir nous vendre ça ». A ce niveau, renseigne t-il, « c’est les entrepreneurs de grosse calibre qui mettent la main sur ça pour revendre à des prix exorbitants ». Ce n’est pas tout : comme client : « ils ciblent les grandes entreprises de menuiserie qui sont formalisées mais pas nous qui sommes toujours dans l’informel, avec, comme vous le savez tous un pouvoir d’achat faible ».


Cette situation peu confortable les contraint à trouver d’autres recours comme les vendeurs de bois clandestins, « qui ne sont pas eux aussi généreux sur les prix de vente toujours élevés », se lamente-t-il.


Concernant la formation de la main d’œuvre, Abdoulahi Déme est dans la même situation que son prédécesseur mécanicien. De la même façon, il forme ces jeunes à devenir qualifier et opérationnel : « une fois avoir suffisamment prouvé de son efficacité pratique, il a le choix d’aller ouvrir son propre atelier tout comme il peut décider de rester avec nous ».


Ainsi, ils sont des jeunes formés et qualifiés en mécanique et en menuiserie qui sortent de cadres de formation de ce genre et qui continuent à baigner dans l’informel.
« Nous avons formés des générations et des générations », revendique Amath Lo. « Nous ne pouvons pas leur assurer un salaire », regrette-t-il « Nous n’avons pas de subventions », souligne-t-il. Leur insertion professionnelle « est du ressort de l’Etat qui doit leur assurer un travail », à l’en croire. « Et parce que tel n’est pas le cas, que ces jeunes qualifiés s’efforcent de monter chacun son atelier pour se faire des revenus », « ce qui est déplorable », estime-t-il « dans un pays comme le nôtre ou un problème d’emploi se pose ».


Le Même cri est émis par l’entrepreneur Abdoulahi Déme : « c’est ces mêmes et magnifiques portes que vous voyez-là qui sont construites par des supposées ouvriers informels que vous trouvez dans certaines ministères, grandes sociétés, dans les mosquées ». A l’en croire, « ça suffit à prouver la qualité de notre produits », réclame-t-il. La question est la suivante : « qu’est-ce que notre Etat et gouvernement veulent de plus pour formaliser notre secteur pour recruter eux –mêmes la main d’œuvre ? », demande-t-il. A l’en croire, c’est la seule façon d’aider ce secteur « qui étouffe toujours dans l’informel », « malgré la qualité des produits » et « la performance de réalisation ».


Ainsi l’insertion de la main d’œuvre formée, qualifiée et la formalisation du secteur constituent la demande. Un appel qu’il lance au nouveau président de la republique appelé à rendre ce secteur plus opérationnel et plus performant, d’abord depuis les subventions « toujours attendues ».

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Ndiambourinfo

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