A “Toolu péron”: il cohabite avec les morts…

A “Toolu péron”: il cohabite avec les morts…

“Peur de la vie” ou “un certain goût pour la mort”? Mamadou Top du cimetière de “Toolou Péron” a grandi avec un certain un “feeling” pour le décor funèbre. Focus sur l’ambiance solitaire qui entoure sa relation avec les morts.

Gestion des cimetières ; lavage mortuaire;  enterrement ; cohabitation avec les morts: en voilà un champ lexical qui ferait fuir certains. La mort demeure toujours le mystère à laisser la trouille. L’image de ce large trou à épaisseur étroit : on y glisse le corps sans vie tout discrètement. Oh que c’est affreux dans l’imagination!

Dans sa réalité pratique, la mort est traumatique. Ainsi la demeure des “absents de la vie ” est sans doute l’endroit le moins fréquenté. Les gens “normaux” le fuient. Dans la perception des gens, le cimetière renvoie à “la mort”; la mort qui fait penser à l’autre monde de mystère ou les anges interviennent pour le règlement des comptes: Gare à ceux qui auront comptabilisé un record de gaffes leur vie durant. Les textes théologiques et les enseignements des prophètes envoyés depuis les cieux ont tous parlé de châtiments continus, pour les âmes renégats que les grands péchés ont fini par souiller. Ce châtiment qui prend des formes diverses; tantôt le feu, tantôt les serpents dinosaures qui mordent, tantôt les anges aux apparences traumatiques qui châtient…etc.

Ici à “Toolu Péron”, tout le monde “dort”. L’ordre du Silence règne sans risques de perturbations. Ni discussions ni marchandages. Pas de disputes ni tiraillements. L’univers des morts est l’opposé du monde de la matière. Ici chez eux, la préoccupation est autre que “médias”, “beuzz” “popularité” ou “politique”. L’ordre du silence règne sans risque de perturbations. Le seul écho qui les morts “interceptent” demeure, sans doute les pas de leur fidèle “ami” Mamadou Top, dans ses vas- et viens à nettoyer la surface des tombeaux et les allés qui les séparent.

Mamadou Top est originaire de Madina Salam. Ouvrier: son travail consiste à confectionner des palissades tout juste devant le cimetière. Il passe les six (6) jours de la semaine au cimetière ou il a sa petite chambre au décors solitaire. Les matins, il fait la ronde sur les tombes pour compléter le nettoyage de la veille. Il aime tant la “compagnie” des morts depuis jeune : “c’est ici que je vais finir enterré. La terre nous mangera tous», aime-t-il rappeler. C’est ici en face de “Toolu Péron” cimetière,  cette large portion de terre ayant reçus et hébergé des milliers de corps sans vie que nous l’avons trouvé, entrain de confectionner ses palissades.

La cohabitation avec les morts est une situation délicate, décrit-il. “Nous ignorons tout sur la vie que chacun ici enterré a menée”, indique-t-il. “Encore moins nous avons une idée de la relation que chaque personne ensevelie par cette terre entretenait avec Dieu quand elle était en vie”. Cet aspect souligné invite à “faire preuve d’attention”  et à “traiter avec respect même les tombes”, rappelle t-il. “Quand le Prophète (PSL) nous apprend à formuler le Salam à l’adresse des morts dès notre entrée au cimetière”, “cela signifie qu’ils nous entendent”: “j’en déduis qu’ils nous rendent le salam”.

L’histoire de Mamadou Top avec le cimetière de “Toolu Péron” a commencé il y’a quelques années de cela. C’est à la suite du décès de l’ancien gestionnaire le défunt Diallo, qu’il s’est porté volontaire à prendre la relève, sans exigence de salaire tout au début, il s’en est, jusque-là, bien sorti pour ce qui concerne l’entretien du lieu.  En raison de la complexité du travail de gestion, le Maire Moustapha Diop s’est engagé à lui donner une rémunération d’une valeur de 40 000 FCFA le mois.

Le nombre de décès étant lié aux flux démographique d’une population, l’augmentation de la taille du cimetière s’est imposée comme une exigence. “Dieu merci, sous la décision et avec l’appui du conseil municipal, nous avons ajouté au cimetière une partie de l’espace qui faisait côte à côte avec le mur de clôture”, informe-t-il. Ce faveur a réglé l’équation des tombes à doublons, apprécie-t-il : “il arrivait, par moment, qu’on ramasse des os en creusant une nouvelle tombe et qu’on les range de côté pour enterrer la nouvelle dépouille sur la même place”, souligne-t-il.

Le problème d’espace n’est toujours pas entièrement résolu à “Toolu Péron” malgré l’agrandissement du périmètre, retient –on des explications de Mamadou Top. Le gestionnaire du cimetière se désole des constructions autour des tombes “qui a tendance à devenir la mode”. “Dès l’instant qu’il y’a mur autour, ça prend le double de l’espace qui était prévue”, fustige-t-il. Mamadou Top en profite pour lancer un appel à la municipalité à interdire cette tendance. Par la même occasion, il a invité les populations à faire preuve de compréhension. “Si ça continue comme ça, pour bientôt, cette partie même rajoutée au cimetière sera remplie pour bientôt”, conclut -il.

Karimatou El Shabaz

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