Waly Diouf Bodian, inspecteur général des indignations ?

Waly Diouf Bodian, inspecteur général des indignations ?

CROQUIS SATIRIQUE

Par Sidy Diop, Journaliste à LE SOLEIL.

Waly Diouf Bodian. Rien que le nom claque comme une injonction administrative. On l’imagine derrière un bureau en acajou, stylo Montblanc à la main, tampon en l’air, prêt à sceller la République d’un coup sec.

Inspecteur des impôts devenu patron du Port autonome de Dakar, le voilà désormais capitaine de la mamelle de l’économie et accessoirement de toutes les polémiques. Chez lui, la rupture n’est jamais métaphorique, c’est une méthode de gouvernement.

Waly, c’est le militant promu général, le syndicaliste métamorphosé en technocrate martial. Le genre d’homme qu’on enverrait régler la circulation d’un cortège présidentiel avec un code des impôts. Dans un pays où la docilité est une vertu de carrière, il préfère la déflagration. Il combat d’abord l’État de l’intérieur avant d’en devenir un pilier. Comme quoi, dans la République des convictions temporaires, il n’y a que les postes qui soient permanents.

On dit qu’il parle peu mais qu’il écrit beaucoup. Les réseaux sociaux sont son agora, son théâtre et parfois son confessionnal. Chaque post de Waly Diouf Bodian est un missile fiscal calibré à la virgule et signé du sceau de la certitude.

Il s’y dispute avec tout ce qui respire, la presse, les syndicats, la société civile, les opposants et même les statistiques. Le port baisse en performance ? Mensonge de journalistes fainéants, répond-il. Les syndicats protestent ? Ce sont des parasites en gilet orange. La société civile s’indigne ?

Des profitards encagoulés, tranche-t-il, comme un percepteur excédé par une fraude sentimentale.

Son humour est noir comme son costume, sec comme un avis d’imposition. Lors de la journée sans presse, il lâche : « Une journée sans presse ? On devrait essayer une journée sans impôts, pour voir. » La blague fait le tour du pays. Les uns rient jaune, les autres crient rouge, mais lui garde son calme de percepteur zen. À croire que chez Bodian, la provocation est un mode de respiration.

Car Waly, c’est aussi le soldat loyal, celui qui ne quitte jamais le périmètre de Sonko d’un pas. Quand le leader de Pastef parle, il filtre les micros, les caméras, les regards. C’est d’ailleurs en portant un bracelet électronique qu’il conquiert son auréole de martyr politique. De surveillé, il devient surveillant. De l’ombre, il passe à la lumière crue du pouvoir, sans passer par la case formation portuaire.

Le port, justement. Ce monument d’acier et de sueur, il l’hérite comme on hérite d’un fief. Et depuis, ça tangue. Les syndicats crient au despotisme, les cadres chuchotent à voix basse, les communiqués de presse sentent le gasoil de crise. On licencie, on recrute, on sermonne. Waly dirige à la machette, dit-on, avec cette autorité muette de ceux qui croient que le management, c’est d’abord un rapport de force.

Mais c’est sur le terrain politique qu’il révèle son plein potentiel dramatique. Quand il s’adresse au Conseil constitutionnel, il le fait à la manière d’un prophète enragé. « Dissolvons-les avant qu’ils ne nous dissolvent » hurle-t-il, oubliant que le Conseil n’est pas un sucre dans le café du pouvoir.

Dans sa bouche, la dissolution devient un projet national, une purge démocratique à ciel ouvert. Les juges ? Trop macqués à Macky. L’Ofnac ? Une maison de retraite pour magistrats désœuvrés. Qu’on les rase tous et qu’on recommence, tonne-t-il, les yeux brillants d’une sincérité sans frein.

Et s’il reste du temps entre deux diatribes, Waly s’attaque aux opposants milliardaires, cette nouvelle espèce qu’il juge incompatible avec la gestion d’un pays pauvre. « On ne peut pas diriger un État avec des gens qui circulent en 4×4 de luxe » dit-il, oubliant que lui-même pilote le paquebot le plus riche du pays. Mais l’homme n’en est pas à une contradiction près, il carbure à la certitude, cette drogue dure des nouveaux puissants.

Il faut dire que dans ce gouvernement de militants en costards, Waly Diouf Bodian trouve son terrain de jeu idéal, le port comme métaphore du régime. Un lieu où tout entre, tout sort, tout se négocie. Et lui, au centre, veille, compte, contrôle, sermonne.

Il est le douanier du verbe, le percepteur du discours, l’inspecteur général des indignations. Quand il ne signe pas des décisions, il signe des statuts Facebook. Et la République tremble un peu à chaque notification.

On le dit stratège redoutable à Keur Massar, fief du militantisme version rugueuse. Là-bas, on l’appelle le Capitaine. Il tranche, il impose, il inspire autant qu’il irrite. Ses alliés l’admirent pour sa fidélité, ses rivaux le craignent pour sa mémoire. Un militant résume : « Avec Waly, soit tu marches droit, soit tu dégages. » Simple, efficace, administratif.

Mais derrière cette carapace d’autorité se cache une fêlure. Celle d’un homme qui, à force de défendre son camp, semble y avoir perdu la nuance. Tout est binaire, pour ou contre, fidèle ou traître, patriote ou parasite. Ce simplisme brutal fait le charme des chefs de guerre mais rarement celui des bâtisseurs d’État.

Alors, Waly Diouf Bodian, homme de rupture ou de conflit ? Les deux, mon capitaine. Il casse pour régner, provoque pour exister, s’indigne pour respirer. Un homme qui fait du vacarme un instrument de pouvoir et du port un microcosme de ses colères.

Reste une question, la plus ironique de toutes. Comment trouve-t-il le temps de travailler, entre deux sermons, trois posts Facebook et quatre dissolutions annoncées ? Peut-être comprend-il avant tout le monde que, dans le Sénégal nouveau, gouverner, c’est d’abord commenter.

Et Waly commente tout, y compris la tempête qu’il déclenche.

Ndiambourinfo

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